
Umami a récemment fêté ses 10 ans et votre actualité semble très riche…
Marion Sicre : En fin d’année, tout s’est enchaîné : le Sial, puis le pop-up des 10 ans qui a d’ailleurs très bien marché. La soirée professionnelle a très bien fonctionné, nous avons eu beaucoup de monde et les gens étaient super intéressés. Le week-end, il y avait la queue sur toute la rue avec 45 minutes d’attente à l’extérieur puis encore à l’intérieur… Ce n’était pas idéal pour les commerçant·es du quartier, mais ça reste positif, les gens étaient contents ! Nous avons beaucoup communiqué et nous ne savions pas trop à quoi nous attendre, mais maintenant, on sait que ça marche.
Peut-on espérer une prochaine édition, peut-être dans un espace plus grand ?
C’est compliqué à organiser. Là, pour les 10 ans, nous avons fait venir 30 producteur·ices, donc c’est une sacrée logistique pour nous et un gros investissement de leur côté. Ça ne se fera peut-être pas tous les ans, mais pourquoi pas tous les 5 ans ? Nos prochains salons seront le Sirha et C’est Bon Japon.
Quelles bouteilles présentez-vous pendant ces Semaines du Saké ?
Commençons par Kissui, un saké Junmai de Kamikokoro Shuzo à Okayama. Il a la spécificité d’être fait avec une levure de pêche blanche, créée par un laboratoire local. Ça lui donne un côté très fruité, avec une seule fermentation au lieu de trois. Le résultat est un saké léger, à seulement 8 degrés, avec une belle sucrosité conservée par l’arrêt rapide de la fermentation, et des notes très fortes de pomme et de poire procurées par la levure de pêche. On a réellement l’impression de boire un jus de pomme ou de pêche tellement le fruit est présent. Il est parfait pour aborder le monde du saké, mais aussi pour tester quelque chose de différent. Dans des accords, il apporte vraiment un plus, par exemple avec une salade de fruits ou des plats frais comme un carpaccio.
Nous avons ensuite le Hakuko label rouge, un saké Junmai Yondanjikomi de Morikawa Shuzo à Hiroshima, très gourmand en bouche. La quatrième fermentation apporte une touche amazake avec une belle sucrosité ainsi qu’une jolie acidité. Il se marie bien avec tout ce qui est fruité, ou les plats épicés comme le curry ou des plats au shichimi. Ce saké est aussi très bon servi chaud, ce qui est encore trop peu proposé dans les restaurants, alors qu’en accompagnement d’une soupe ou d’un bouillon, un saké chaud serait parfait pour ne pas couper le palais comme le fait un saké froid. J’invite grandement à le servir chaud pour faire découvrir quelque chose de différent au palais européen. Je pense que les gens imaginent que chauffer le saké nécessite un processus compliqué, mais en réalité, il suffit de le mettre dans de l’eau chaude au bain marie quelques minutes et le tour est joué. Pas besoin de matériel spécial. Il suffit d’arriver aux environs de 30 ou 40 degrés, ça ne se joue vraiment pas au degré près.
Le saké suivant vient toujours de la région de Hiroshima, plus précisément d’un mignon petit village appelé Takehara. C’est le Hibi Shakushaku, un saké Kimoto de Fujii Shuzo. C’est un kimoto, donc un saké traditionnel, très nature, fait avec des levures indigènes et qui possède une belle complexité aromatique. C’est aussi un junmai ginjō avec beaucoup de corps, parfait pour des accords avec des volailles.
Et enfin, le Jukusei, un saké Koshu maturé 10 ans d’âge de Tatsuuma Honke Brewing, qui fait également Hakushiki. Il est lui aussi intéressant pour le palais européen car les alcools vieillis sont importants en Europe. Ça permet de se raccrocher à certains arômes. C’est un saké très gourmand, avec des notes de noisette, d’épices et de fruits à coque, avec ici aussi beaucoup de corps et de goût. Il est donc idéal pour accompagner des viandes comme des chapons ou même du foie gras, et fonctionne aussi très bien comme digestif ou en dessert, comme un vin jaune du Jura avec la cuisine européenne.
Quel bilan faites-vous de 2024 pour le saké ?
On sent qu’il y a vraiment un intérêt grandissant et les chiffres n’arrêtent pas de croître, même si le saké reste encore méconnu. Les salons et les restaurants sont absolument essentiels pour éduquer le public, puisque les tendances sur l’alcool commencent souvent dans ces lieux. Ça part du CHR, puis il y a la demande en caves, et enfin celle du grand public. Pour l’instant, on est encore à l’étape où il faut proposer le saké dans des menus dégustation, il faut avoir du saké à la carte – finalement, il faut désacraliser le saké et changer les idées reçues selon lesquelles le saké serait un tord-boyaux à 40 degrés. En salon, nous remarquons que les gens commencent quand même à mieux s’y connaître de manière générale, et c’est encourageant pour la suite.
Pensez-vous que l’ajout du saké aux trésors immatériels de l’Unesco aidera cette dynamique ?
On l’a vu avec le gros boom des Nikka quand il a été élu meilleur whisky du monde. Immédiatement, la presse a titré « Le whisky japonais est le meilleur whisky du monde ! » Et à partir de là, il y a eu un emballement médiatique incroyable sur le whisky japonais. Avant cela, il était certes un peu à la mode, mais restait très confidentiel. Mes amis à la campagne me disaient « Mais tu bosses pour les meilleurs whiskies du monde ! » alors que quelques semaines plus tôt, ils ne savaient pas ce que c’était et achetaient du Valentine’s. Donc s’il pouvait y avoir, en effet, avec l’Unesco, une petite reprise au niveau de la presse grand public, histoire que les gens s’emparent du phénomène et demandent du saké d’eux-mêmes, ce serait bien.
Plus d’informations : https://japan-food.jetro.go.jp/sake/fr/index.html
https://www.umamiparis.com/fr/
Remerciements à Mitsuko Chiffoleau
(Pasona Agri-Partners Inc. in Paris).
Contact : contact@pasona-agripartners.fr
Tél : 0670310996