France Sushi : Une des particularités de vos shôchû est qu’ils maturent dans de très anciennes jarres. Quel est l’intérêt des jarres par rapport à des équipements plus modernes ?
Masayuki Tomita : La raison première est que nos locaux étant étroits, nous n’avons pas la place d’y entreposer de grandes cuves modernes. La quantité de shôchû que nous pouvons produire en un an étant donc limitée, nous achetons de la canne à sucre et fabriquons du shôchû toute l’année, alors que la norme est de le fabriquer pendant l’hiver à la période où l’on produit aussi le sucre de canne. L’intérêt majeur de nos jarres est que, ayant servi depuis les débuts de Tomita Shuzôjô, des levures indigènes de notre région ont toujours été présentes dans nos jarres. Ainsi, dans les distilleries et brasseries les plus anciennes, comme la nôtre, on peut fabriquer son alcool sans ajouter d’autres levures que l’on achèterait, comme il est fait habituellement. Cela confère un caractère unique à notre shôchû.
Quelles sont les particularités gustatives du shôchû que vous avez choisi de présenter aujourd’hui ?
La caractéristique principale de notre Maaransen Muroka Genshu est qu’il est fait à partir de sucre de canne des îles Amami, le seul endroit où l’on a le droit de fabriquer du kokutô shôchû. Bien que la perception du goût et de l’odeur soit individuelle, cette bouteille est empreinte de ce qui fait l’île de Tokunoshima où notre sucre est produit : on peut y sentir un parfum et un goût aux nuances de verdure et d’embruns. C’est aussi un genshu, un shôchû non dilué qui a donc un taux d’alcool élevé (41%). Il est assez fort, mais la période de vieillissement étant courte, il a aussi un côté frais et riche.
Il existe de nombreuses manières de boire le shôchû. De quelle façon préférez-vous boire le vôtre ?
J’aime particulièrement le boire sec ou on the rocks, à la fin du repas ou avant de dormir. Je préfère le boire lentement, un peu ici et là, plutôt que d’en boire beaucoup d’un coup. On peut le consommer seul ou bien en accompagnement de desserts et sucreries comme du chocolat noir. Il va aussi très bien avec du fromage ! Il ne convient peut-être pas à des fromages au fort caractère comme le bleu, mais il se mariera bien à des fromages de qualité un peu plus doux comme la mozzarella. Il faut en tout cas éviter les fromages transformés. Plus qu’un bon pairing, c’est une expérience intéressante et amusante ! Je le conseillerais sec ou en oyuwari lorsqu’il accompagne des aliments au goût un peu particulier.
Les sakagura rencontrent actuellement des difficultés liées à une baisse de consommation. Si vous êtes aujourd’hui en France, est-ce pour pallier ces difficultés ou tout d’abord pour faire découvrir vos produits ?
Nous fabriquons nos produits avec l’espoir qu’ils participent à rendre riche et agréable le quotidien des gens. C’est pourquoi nous aimerions faire goûter nos boissons au plus de personnes possible, que cette expérience commune crée en quelque sorte un lien à travers le monde. La Shochu Week nous permet de faire connaître notre shôchû et nous espérons que les gens le trouvent bon. L’optique que cela devienne lucratif est vraiment secondaire. Être à l’étranger comme aujourd’hui nous permet de recevoir des conseils, des retours, d’échanger des avis et d’avoir des discussions que nous n’aurions pas au Japon. C’est une expérience très enrichissante.
Si vous voulez en savoir plus, rendez-vous sur le site de Tomita Shuzôjô : https://tomitashuzojo.kurakara.jp
G-Bridge : https://g-bridge.co.jp/en
Nous remercions Terumi Fujimura pour l’organisation et l’aide à l’interprétation de cet entretien.