
Après les États-Unis et le Royaume-Uni, le Shōchū Challenge, organisé par la Japan Sake and Shōchū Makers Association, est arrivé en France pour la première fois. Il a rassemblé de très nombreux·ses bartenders motivé·es pour proposer leurs créations pleines d’originalité plaçant le shōchū et l’Awamori sous le feu des projecteurs. Le 3 mars, les 8 finalistes se sont retrouvé·es à l’Atelier Cocktails Colada pour présenter tour à tour leur cocktail signature devant un jury de spécialistes.
Le jury
- Président du jury : Alexandre Vingtier, spécialiste des spiritueux et conférencier.
- Vice-président du jury : Christophe Davoine, M.O.F Barman et vice-président de l’Association des barmen de France.
- Sara Moudoulaud, gagnante de la compétition de cocktail Trophées du Bar 2017, et Hadrien Moudoulaud, co-fondateur avec Sara du Bar Nouveau.
- Baptiste Bochet, fondateur de l’Atelier Cocktails Colada.
- Mélissa Coutant, co-fondatrice du bar AMA.
Le podium
Seul·es 8 candidat·es sur 101 ont pu accéder à la finale, laissant les créations les plus intrigantes s’affronter. De l’inspiration nattō-don au thème carotte, en passant par les préparations au dashi et au miso, chaque cocktail explorait des ingrédients phares de la cuisine japonaise dans des mélanges inventifs.
Trois d’entre eux se sont particulièrement démarqués, bien que la lutte fut rude !
1ère place : Téo Robil – Nippon Nectar
Conçu pour être doux en bouche comme un nectar et pour mettre en avant des produits japonais incontournables, c’est ce cocktail qui a le plus séduit les juré·es.
Il contient de l’Awamori Yonaguni de Sakimoto Shuzō, du sirop de miso blanc maison et un blanc d’œuf lui donnant sa texture duveteuse, ainsi que du Fino Sherry aux notes noisetées, fraiches et végétales pour casser la salinité du miso et lier ce dernier avec l’Awamori. En garniture : un éclat de caramel au beurre salé maison, en contraste avec le moelleux du cocktail et le salé du miso, mais aussi un rappel des origines bretonnes de Téo. La présentation n’est pas en reste : Téo a utilisé des céramiques artisanales de la boutique Mokxa à Strasbourg.
En tant que grand vainqueur, le jeune barman de 25 ans a remporté un séjour au Japon, ainsi qu’un des trois shakers à la finition plaquée or de la marque japonaise Yukiwa qui sponsorise le Shōchū Challenge et les offre aux trois premiers finalistes.
2e place : Camerone Huitel – So Dashi
À quelques points de là, Camerone, barmaid depuis 7 ans dans plusieurs établissements de Paris comme le Little Red Door, proposait un cocktail à base de shōchū Daiyame 25 de Hamada Shuzō, une bouteille raffinée aux notes très présentes de litchi, rose et amande. Ce à quoi elle ajoute de l’eau pétillante pour en faire un sōda-wari, de l’eau de vie de framboise sauvage, ainsi qu’un cordial dashi sucré végétarien fait à partir de fève de tonka, vinaigre de fleurs de cerisier, shiso pourpre et betterave. Elle garnit normalement le cocktail avec un apple blossom, un petit fruit acidulé mais dur à conserver, qu’elle a donc remplacé cette fois par une feuille de shiso préparée en chips avec sel et huile d’olive.
3e place : Joseph Hoffstetter – Misoshirock
Enfin, montant sur la dernière marche du podium : Joseph, bartender au 1802 à Paris.
« Misoshirock », c’est un jeu de mot entre miso shiru et kan rokku, méthode de dégustation du shōchū chauffé puis servi sur glace. Elle permet d’en apprécier tous les arômes selon la température : lorsqu’il est encore chaud, le shōchū est très aromatique et plus puissant en alcool, puis se dilue de plus en plus en refroidissant et ses arômes changent. La personne qui le déguste peut ainsi voir toute son évolution dans une même tasse.
Bien qu’il comporte peu d’ingrédients (le shōchū d’orge torréfié Usa-Bozu Dochu de Jōtokuya Shuzōjō, du Fino Sherry infusé au miso blanc et du sirop riche), c’est un cocktail complexe et porté sur l’umami, bien complémenté par des notes céréalières.
Il est servi dans une belle tasse en céramique, qui a l’avantage de garder la chaleur sans brûler les doigts et d’empêcher de voir la glace fondre.
Les propositions originales et variées des autres concurrents
Donovan Chouari – Nattō-don
Chimiste de formation, Donovan découvre le monde du bar en parallèle de ses études et y consacre aujourd’hui sa vie après plus de 10 ans derrière les comptoirs. Aujourd’hui bar manager au 1802 et passionné par le Japon, il s’attaquait lors de cette finale à un cocktail sec, salin, complexe et fermentaire.
Son goût pour le nattō l’a amené à cet intrigant mélange : Tomita Maaransen Muroka Genshu de Tomita Shuzōjō, Suntory Haku Vodka, Oloroso Rio Viejo infusé au nattō, liqueur de moutarde Gabriel Boudier et saumure d’échalotes japonaises. Le cocktail rappelle le nattō-don : la moutarde avec la liqueur, les oignons nouveaux et le côté salin avec la saumure d’échalotes et les micro-pousses de ciboule en garniture, ainsi que le riz dont on retrouve la saveur dans la vodka Haku.
Cette vodka, composée à 2 tiers de sucre de canne, est aussi un clin d’œil au 1802, bar à rhum. Le cocktail est servi dans des tasses de porcelaine fabriquées par Myrtille, propriétaire de l’Atelier Monochrome, façon tasses à thé chinoises pour rappeler le bol du nattō-don.
Oliver Eardley – Carotte
Carotte : un nom simple et minimaliste, caractéristiques qu’Oliver associe au Japon et met en avant dans son cocktail. Originaire du Royaume-Uni, il participe au Shōchū Challenge après plusieurs expériences : gagnant du concours UKBG x JSS Great Honkaku Shōchū & Awamori en 2022, superviseur du bar The Glade à Londres, et aujourd’hui chef barman du Little Red Door.
Sa préparation contient le très rare shōchū de datte Date Honkaku Shōchū d’Inoue Shuzō vieilli en fût de chêne pendant 3 ans, du cordial de carotte enzymatique maison, du verjus (jus de raisin vert cueilli avant maturité) et du Cynar (un apéritif d’artichaud).
Et si cette belle couleur orange suffit à évoquer la carotte, Oliver garnit le tout de fanes pour compléter l’image.
Enzo Lallemand – San Omoide
Enzo, en grande partie auto-didacte et actuellement chef barman à la Baignoire, a trouvé son inspiration dans la musique avec le morceau Omoide de Suzuki Tsunekichi qui chante la beauté éphémère de la nature. « San » vient de ce que le chiffre 3 a souvent une connotation positive au Japon et qu’il représente les 3 ingrédients phares du shōchū – riz, orge et patate douce. En alliant la vision du monde de Tsunekichi et l’idée du partage que lui inspire le shōchū, Enzo proposait un cocktail empreint de saisonnalité qui incite à la dégustation et à la création.
La sienne est composée de Muroka Gohei Shikuu de chez Himeizumi Shuzō, d’amazaké maison au kōji d’orge et peau de kaki, de sauce tamari qui renforce l’umami, et de jus de yuzu frais pour un kick d’acidité. Le tout est servi dans une tasse à thé japonaise en céramique et garni de 3 disques : cuir de peau de kaki, cuir d’okara de riz gluant fermenté, et cuir d’okara de kōji d’orge.
Vincent Laumonerie – Konbini
Ce cocktail reprend les codes des chūhai. Mais avec ses 2 shōchū qui en font un mélange complexe, il dépasse largement la simple boisson en canette.
Vincent a l’habitude des hôtels 5 étoiles, des palaces et des bars à cocktails, et va chercher l’inspiration dans ses voyages. Pour le Shōchū Challenge, il proposait une préparation directement au verre avec le shōchū d’orge Taimei de Fujii Shuzō aux notes de cuisson et céréalières, celui de patate douce Kurokirishima de Kirishima Shuzō (un shōchū fruité et profond), du jus de pomme bio légèrement trouble pour la douceur et la texture, du sirop de thé Oolong maison, du jus de citron jaune frais pour l’acidité et de l’eau pétillante. En accompagnement, il servait un petit pot de riz soufflé au soja et piment.
Julian Stahl – Kiiro Oni
Le chef barman du bar Résistance à Paris préparait pour le jury un cocktail dans lequel la couleur jaune prédomine et rappelle l’Enzoni qui l’a inspiré. Il y a incorporé du XX JOY WHITE de Satasōji Shōten, un shōchū de patate douce de la variété Joy White, développée en 1994 pour servir à la fabrication de shōchū. Sa chair est blanche et donne des bouteilles aux arômes doux, floraux et fruités. Le XX JOY WHITE possède une singularité : celle d’être distillé à moitié dans un alambic japonais et à moitié dans un alambic européen. À celui-ci, Julian ajoute de la suze, du jus de citron jaune, du sirop de miel de fleurs et du raisin blanc qui garnit aussi le cocktail.