Pouvez-vous présenter votre maison de saké ?
Nous sommes basés dans le département de Hyogo, dans la ville de Himeji, notamment connue pour son magnifique château médiéval. Notre brasserie de saké, Tanaka Shuzojo, a été fondée en 1835, et je suis donc de la septième génération de cette lignée de brasseurs. Nous produisons en moyenne 100 000 bouteilles de petit format (72cl) chaque année.

Quelles sont les grandes gammes que vous proposez ?
Nous avons actuellement une vingtaine de sakés différents. Parmi eux, on retrouve bien sûr du Junmaishu, du Daiginjo, du Junmaidaiginjo, mais aussi du Futsushu. Notre plus grosse production est centrée sur le Junmaiginjo. Pour prendre un exemple, notre cuvée « Château Shirasagi » est exportée à hauteur de 800 bouteilles par an vers la France. Nous exportons bien sûr aussi vers d’autres pays, car ce produit est vraiment notre saké signature. Les autres concernent des moindres volumes, et environ un gros tiers de notre gamme est exploitée à l’étranger.

Qu’est-ce qui a motivé votre choix de l’export ?
Tout le monde connaît les difficultés du monde du saké en ce moment au Japon, notamment avec les brasseries qui ferment à cause de manque de croissance du marché local. Aujourd’hui l’export, par rapport à la consommation japonaise, représente en termes de chiffre d’affaires un peu moins de 20% du total. Et c’est en constante progression.

Entre le moment où vous avez commencé à exporter du saké et aujourd’hui, où vous avez remporté des prix à Kura Master, comment a évolué le marché français ? Les goûts des consommateurs hexagonaux sont-ils différents du marché local japonais ?
Les retours de la clientèle française s’améliorent de plus en plus, en terme de précision et de connaissance des produits. Plus je participe aux concours Kura Master, plus je décroche de nouveaux prix, car nos produits sont de plus en plus appréciés par le public français.

Quel regard portez-vous sur l’éclosion de brasseries françaises de saké ? A-t-il lui-même eu l’idée de créer une gamme à destination du public français, avec les retours de dégustation qu’il a eus ?
Le saké est un marché qui a besoin d’activité et de dynamisme. Ces nouvelles brasseries aident à renforcer l’intérêt porté au saké japonais, et même auprès du public japonais ! En tant que producteur, la concurrence est saine car elle nous pousse à nous poser des questions, explorer de nouveaux goûts et saveurs dans nos sakés. Et comme la tendance à l’exportation est positive, les consommateurs japonais deviennent sensibles aux médailles gagnées à l’étranger. Les Français sont très sensibles à ce système de récompenses, qui sont un gage de qualité. Les producteurs japonais sont à la recherche de la qualité pure, nous ne sommes pas dans la compétition, on travaille quotidiennement pour améliorer ce que l’on sait déjà faire.Le palais français est formé par la connaissance des vins, notamment avec une grande part d’acidité dans les verres. Y’a-t-il des tentatives de créer un saké plus acide pour le marché international, et notamment français ?
Oui, il y a des modes et des tendances dans tous les domaines, dont celui du saké, mais j’avoue ne pas y prêter trop d’importance. Je travaille à améliorer mon savoir-faire et mes produits principalement, c’est ma mission personnelle. A l’origine, je suis un brasseur régional, dont le but est de créer des saké qui plairont aux habitants de ma région. Et c’est à partir de ce marché initial que les clients français ou chinois ont pu découvrir ce que je sais faire. Je travaille ainsi, afin de ne pas dénaturer mon idée originale. La majeure partie de mes clients sont natifs de la région de Harima, et je ne veux pas l’oublier. Ces habitants aimeront toujours mon saké, et même si certaines gammes sont plus adaptées pour la France ou pour la Chine, elles sont avant tout d’inspiration régionale, solidement ancrées dans cette tradition.

Qu’avez-vous pensé du projet de « GI Harima » lorsqu’il vous a été présenté ? N’est-ce pas trop inspiré de la culture du vin et de l’AOC français, en relation avec un terroir ? Trouve-t-il cela en cohérence avec votre propre démarche ?
La région de Harima comprend énormément de petites brasseies de saké, et toutes celles-çi ont été séduites par l’idée de créer une marque à partir de la région, ce qui permet de les différencier et de les singulariser par rapport au reste du pays. Cela aide à faire progresser Harima, mais aussi chacun de ses artisans. L’idée de « GI Harima » a été très bien accueillie, dès le départ, et cela permet de développer nos sakés.

Etait-ce un projet dédié au marché japonais ou uniquement à l’export ?
L’idée provient du gouvernement, afin de faire découvrir aux étrangers les saké japonais, dans toute leur richesse et leur diversité. Grâce au label « GI » qui permet d’identifier le sourcing géographique, même les Japonais ont beaucoup appris sur les régions et les acteurs locaux du saké. C’est en effet assez proche des labels AOC français, et cela a également donné envie aux producteurs de Harima, pour ne parler que d’eux, d’améliorer encore plus la qualité de leur saké. La clientèle japonaise identifie désormais bien mieux la région de Harima.

Selon vous, quelles sont les spécificités et qualités des saké « GI Harima » ?
Notre ingrédient principal, le riz local Yamada Nishiki, est une véritable signature qui nous différencie totalement de toutes les autres régions. C’est la seule « GI » qui impose l’utilisation du Yamada Nishiki. Même les « GI » du nord du pays ou de la Préfecture de Shiga n’imposent pas d’utiliser le riz local, ils peuvent utiliser n’importe quel riz du Japon.

Existe-t-il des contraintes qui vous freinent en terme de volume de production, comme par exemple la production des champs de riz ? Ou des contraintes phytosanitaires reliées à la question du « bio » ?
Je pense que la principale difficulté, c’est que les particularités régionales ne sont pas assez soulignées au Japon, car les producteurs visent souvent à être consommés le plus globalement possible. Ainsi, leurs produits suivent les modes et n’ont plus d’âme. A l’inverse, quand on nous demande à l’étranger quelles sont les particularités de nos saké, nous pouvons affirmer notre originalité et ainsi donner envie à des consommateurs de goûter nos produits. Grâce au « GI Harima », les producteurs locaux cherchent encore plus à affirmer la singularité de leur démarche et de leur maison. Nous avons poussé encore plus loin l’esprit de la région et de nos brasseries, cela nous a ouvert l’esprit et libéré pour plus de créativité. La région est petite, elle ne contient que vingt-deux communes, les Kura, et chacune en est venue à se demander quelle était sa force et sa spécialité. Chaque maison s’est redécouverte pendant ce processus. Il n’y a vraiment que du positif dans cette démarche, et cela renforce la présence de la région de Harima sur le plan national et international.

Plus d’informations sur

http://english.harima-sake.jp/introduction/tanaka/

Nos remerciements à Tomoko Pecon pour l’organisation et Nobutaka Azuma du bureau européen du département de Hyogo.

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