Vous avez dit régime ?
Okinawa — archipel auquel nous consacrons un dossier complet dans notre magazine — a ceci de fascinant qu’il constitue un Japon à part. Ou plutôt un autre Japon. D’un point de vue géographique bien sûr, mais également d’un point de vue culturel. Okinawa constituerait-il pour autant une exception culturelle dans le Japon contemporain ? L’hypothèse tient la route si l’on considère la richesse du patrimoine culinaire de ce petit bout de terre de 160 îles et îlots. A la croisée des cuisines japonaise, chinoise et empruntant parfois à l’Asie du Sud-Est voire aux Etats-Unis, l’alimentation okinawaïenne est unique. De par sa diversité autant que par sa complexité. En effet, si elle est à la base de l’un des régimes les plus connus de la planète et réputé pour faire des centenaires, elle ne s’encombre pas pour autant d’interdits. A Okinawa, on consomme donc beaucoup de poissons, d’algues, de fruits et de légumes, mais tout autant de cochon, de bœuf, et de chèvre, le tout copieusement arrosé de sel et d’awamori… Y aurait-il alors un okinawan paradox comme il existe un french paradox ?
Si répondre à la question nécessiterait la rédaction d’un voire de plusieurs livres, on peut déjà dans le cadre de cette chronique, pointer du doigt l’une des composantes essentielles du régime okinawaïen qui plutôt que de distinguer les “bons” produits des “mauvais”, s’attache à la manière de les consommer. Le « régime Okinawa », né des observations du Docteur Makoto Suzuki, repose ainsi sur plusieurs principes, dont le Hara Hachi Bu, qui préconise de s’arrêter de manger avant d’être rassasié à 100 %. Il recommande également de s’alimenter de manière diversifiée, en privilégiant les petites portions de chaque catégorie d’aliments. Et Okinawa en regorge… Poissons, algues et fruits exotiques, cohabitent ainsi sur les étals des marchés avec le cochon, le bœuf, la chèvre, la patate douce et des alcools locaux particulièrement corsés.
Bref, être centenaire et en bonne santé à Okinawa n’implique pas forcément de se priver, mais au contraire, de s’ouvrir à une nature et à un environnement généreux en terme de produits, qu’ils soient issus de la mer, de la terre ou du ciel…
Laurent Feneau