France Sushi : Quel a été votre parcours avant de devenir sommelière saké ?

Lucie Chatry : C’est grâce à une expérience de vie au Japon, où j’ai vécu de 2015 à 2017, que je me suis intéressée au saké. Je travaillais dans le laboratoire de recherche en innovation cosmétique Capsum à Marseille. J’avais envie de voyager et de vivre une expérience professionnelle à l’étranger et on m’a proposé le Japon. Je ne connaissais pas particulièrement les pays asiatiques, alors ça m’a intriguée. Nous faisions des recherches sur les actifs du saké dans les cosmétiques et donc sur le rice power extract. C’est un actif classé quasi-drug, c’est-à-dire que son efficacité est prouvée scientifiquement et qu’il est plus efficace qu’un produit cosmétique, sans être un médicament. C’est une classification qui existe aux États-Unis et au Japon mais pas en France. Le rice power extract est fabriqué par un véritable fabricant de saké grâce à une technique tenue secrète et il est utilisé par de grandes marques japonaises. Au cours de ce séjour professionnel, j’ai été séduite par cette culture dont je ne savais rien et c’est là que j’ai découvert l’incroyable culture culinaire japonaise ! Ma première dégustation de saké, c’était quelque chose ; j’étais avec des collègues japonais qui ont essayé de me faire goûter tous les sakés du restaurant ! J’avoue ne pas avoir aimé tout de suite car c’était ma première fois, j’étais encore une française habituée au vin… Mais j’ai appris à l’apprécier au fur et à mesure. J’ai rendu visite à des producteurs pour comprendre tout cet univers, les techniques de fabrication… Et j’ai été fascinée par le caractère très artisanal, très humain de ce processus. Le travail de fermentation donne aussi au saké une palette aromatique fabuleuse.

Vous avez suivi la formation de la Sake Sommelier Association (SSA) en 2018 puis fondé Oryzake l’année suivante. C’est un projet très original puisqu’il s’agit d’un bar à saké mobile. Pouvez-vous nous parler de l’idée derrière Oryzake ?

Lucie Chatry : La formation SSA m’a permis de me connecter avec le milieu des personnes travaillant dans le saké en France, qui n’étaient vraiment pas nombreuses à l’époque, et de valider toutes les connaissances que j’avais acquises au Japon. Ce lien avec les professionnel·les du saké en France est vraiment important. À partir de là, j’ai lancé Oryzake. Je me déplace principalement à Marseille, au départ avec un vélo cargo. J’y mettais tout mon saké et un bar en bambou pliable, car les événements ont souvent lieu en extérieur. Sinon, j’utilise directement le mobilier des lieux où ils sont organisés. Ce sont à la fois des événements dégustation et simplement un bar à saké, mais l’idée est toujours de donner des explications sur les différences entre les sakés que les gens goûtent. Pour l’instant, ces événements ont lieu chaque fois dans des endroits différents mais j’aimerais proposer des rendez-vous plus réguliers. Vous pouvez trouver les infos des choses à venir sur les comptes Facebook et Instagram d’Oryzake !

Qu’est-ce qui est important pour vous dans le choix d’un saké ?

Lucie Chatry : C’est avant tout d’en avoir une grande diversité. Lors des dégustations, j’en propose généralement 3 différents pour comparer. Je propose de goûter le saké froid et chaud, des plus modernes comme le junmai ginjō ou bien des plus traditionnels… J’aime aussi beaucoup le nigori qui a une texture et un aspect visuel différents. Je cherche à avoir des choses très opposées pour inviter les gens à se positionner sur leurs goûts. Ça permet de faire découvrir le saké aux débutant·es mais aussi d’ouvrir l’horizon des personnes qui pensent déjà le connaître.

Récemment, il y a beaucoup d’événements qui tournent autour des accords mets-saké (et autres alcools japonais). Est-ce que vous explorez vous aussi ce pont entre cuisine et saké ?

Lucie Chatry : Tout à fait ! Le saké est un exhausteur de goût, donc c’est important de le déguster avec quelque chose à côté. En plus, il s’accorde avec plein de cuisines du monde. Je le trouve notamment très intéressant avec la cuisine méditerranéenne, mais aussi avec différents fromages ou légumes. Il y a plein de possibilités. Je travaille en collaboration avec les chef·fes des lieux où ont lieu les événements. D’ailleurs, le saké ne s’accorde pas qu’avec de la nourriture mais aussi avec d’autres ingrédients liquides : il devient de plus en plus connu en France à travers les cocktails ! Je trouve que c’est une très bonne manière de l’introduire.

Que pensez-vous de l’éclosion de brasseries françaises de saké ?

Lucie Chatry : J’aime beaucoup l’idée ! Ça a d’abord commencé avec Les Larmes du Levant qui produisent leur saké avec du riz japonais importé et le résultat est très surprenant. Il a beaucoup de caractère, à la façon typique des sakés traditionnels. Wakaze est aussi intéressant car le leur est fait à partir de riz de Camargue. Il y a également Azerou Saké vers Perpignan qui se sert de riz de Camargue et d’eau des Pyrénées et qui propose du namazaké. Puisqu’il se transporte mal, c’est là tout l’intérêt d’en faire sur place !

Vous avez participé au Ultimate Osake Tour en 2023. Qu’est-ce que ça vous a apporté par rapport à vos expériences précédentes ?

Lucie Chatry : C’était la première fois que je retournais au Japon après y avoir vécu, donc j’étais vraiment contente. Ça m’a permis de rencontrer des producteurs de sakés que j’avais déjà travaillés et d’entendre leurs anecdotes, d’obtenir plein d’infos, d’observer de près le travail de production et les outils… C’était aussi de supers rencontres humaines. Ça a donné plus de poids à mes connaissances, car nous avons fait un tour de A à Z depuis la culture du riz jusqu’à la production de kōji et même la recherche universitaire sur les levures.

Quels sont vos projets pour le futur ?

Lucie Chatry : J’aimerais développer la partie travail avec les professionnel·les et grouper les commandes, ce qui réduirait les frais de transport et nous donnerait plus de liberté dans l’objectif de populariser le saké. Je cherche aussi un local commercial pour peut-être ouvrir une cave à saké qui le rendrait plus accessible au public. D’ailleurs, le prochain événement Oryzake aura lieu le dimanche 25 août au restaurant Mécha Uma à Avignon avec le chef japonais Kohei Ohata. Il s’organise aussi pour la Saké Cocktail Week organisée par le fournisseur We Want Saké et qui se tiendra du 17 au 23 septembre.

 

Organisation : Yuki Eguchi Mansoux de Soleil Le Vin SAS.

Article précédentWorld Sushi Cup 2024 : Vincent Broggi champion du monde et une victoire pour toute l’équipe de France
Article suivantEn 2024, le Salon du Saké fête ses 10 ans !