Il est bien connu que la variété de raisin influence grandement le goût et le style du vin. Cependant, il nous faut sortir de ce cadre de référence afin d’évaluer les qualités d’un saké. C’est donc à la question de l’impact de la variété de riz sur le style du saké que se proposait de répondre Julia Scavo, actuellement titulaire du DipWSET Level 4 in Wines, lors d’un cours-dégustation à Papilles & Pupilles.

Histoire, propriétés et chimie du riz

Il s’agissait non pas de trancher sur la question, mais d’explorer ce terrain encore méconnu. Julia Scavo commence donc par revenir sur les 3 groupes de riz de l’espèce Oryza sativa : Japonica, Javanica et Indica, ainsi que leurs propriétés respectives qui influencent l’utilisation de chacun. Il convient notamment de distinguer le sakamai, riz à saké, du shokumai, riz alimentaire. Nous nous concentrons donc sur le sakamai, représenté à 65% par 3 variétés (sur une centaine) au Japon : le Yamadanishiki (30%), le Gohyakumangoku (25%) et le Miyamanishiki (10%). Mais le riz se transformant énormément lors de la fermentation complexe qui permet la fabrication du saké, on ne trouve pas beaucoup de variations d’arômes selon la variété (contrairement au raisin qui contient des précurseurs aromatiques). Ce sont en revanche principalement les sensations qui varieront : texture, acidité, umami, densité… Ce que nous avons eu l’occasion d’apprécier lors de la dégustation de sakés sélectionnés spécifiquement pour illustrer le propos.

On observe tout de même bel et bien un effet millésime dans le saké. Mais cela n’est pas dû uniquement à la variété de riz. Plusieurs facteurs impactent le style final d’un saké : le type de shinpaku (cœur du grain de riz où se concentre l’amidon et lui-même influencé par des facteurs génétiques, mais aussi environnementaux donc indépendants de la variété), les levures qui apportent des arômes, mais aussi la main du tōji qui contrôle chaque étape. Cela rend assez compliquée l’évaluation de l’influence seule du riz. Un élément de solution proposé par Julia Scavo pourrait être de créer deux sakés dans des conditions absolument identiques en ne changeant que la variété de riz. Cela reste à être fait !

Dégustation et échanges

Après la théorie vient la mise en pratique. Les sakés sélectionnés ainsi que l’ordre de dégustation ont été pensés pour nous permettre de saisir toute la complexité de la question, à laquelle chacun et chacune a pu amener des éléments de réponse.

Nous commençons par Ryuyu Junmai (Kasuga Shuzo) au riz Hitogokochi. C’est un bel exemple de saké qui correspond à l’idée que l’on se fait du riz qu’il utilise : aérien, léger, floral intense, à la fois acide et rond. Mais où s’arrête l’influence du Hitogokochi et où commence celle de la main humaine ?

Le deuxième saké est Junmai Daiginjo Vieillissement en Neige 3 ans (Hakaissan) au mélange de Gohyakumangoku, Yamadanishiki et Yukinosei. Il possède une robe très aromatique et pure car fermenté à basse température, ainsi qu’une grande fraîcheur aromatique et une pointe de sucrosité. La température de fermentation basse a ainsi joué un rôle important dans le style de ce saké, mais elle a néanmoins été rendue possible grâce au polissage de 50% du Gohyakumangoku. Là encore, question de variété ou de technique de fabrication ?

Nous continuons avec Inokashira Junmai Daiginjo Omachi 50 (Kasuga Shuzo) au riz Omachi. Il a la particularité d’être un junmai daiginjō fait à partir non pas de Yamadanishiki comme on en a l’habitude, mais d’Omachi et on sent en effet la différence. Il a un côté plus salin, sapide et typé car l’Omachi est plus rustique que le Yamadanishiki. On distingue également l’Omachi par sa texture enrobée puis plus rugueuse.

L’avant-dernier saké est Tatsuriki Tokubetsu Junmai Kimoto (Honda Shoten) au riz Yamadanishiki. Il possède un côté toasté, une acidité et un umami marqués. C’est également un kimoto déroutant de raffinement. Mais quelle est la part d’impact de la méthode kimoto et celle du Yamadanishiki ?

Enfin, nous terminons par Monsay Purple Junmai (Usui Shoten) au riz Miyamanishiki. Riche, rond et ample, il est étonnamment typé Yamadanishiki. Il possède également un nez céréalier et toasté.

Conclusion

Julia Scavo a animé un cours et une discussion très édifiants, sur un sujet qui reste encore à être exploré ! Bien que nous ayons quitté la salle avec de nombreux éléments pour tenter d’y répondre, la question demeure entière : dans quelle mesure la variété de riz influence-t-elle le style du saké par rapport aux nombreux facteurs gérés par le tōji ?

 

Retrouvez Julia Scavo sur son blog et visitez le site de Papilles & Pupilles pour découvrir leurs produits et événements.

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